Ah monsieur le juge des libertés et de la détention, vous qui avez pris une décision contraire aux réquisitions du Parquet, comme j'aimerais vous connaître, vous rencontrer et même vous étreindre.
Hier, j'espère que vous avez passé une bonne journée. Vous avez bien déjeuné, bien bu, bien travaillé... ? Vos selles étaient normales et votre soirée, je le suppose, sereine avec le sentiment du devoir bien accompli ? En toute justice, bien sûr. Peut-être même possédez-vous un miroir qui vous permet de contempler à loisir le visage de celui qui est fier de son statut, de cette possibilité fort rare de pouvoir décider de l'avenir des autres ?
De telles vertus devraient vous permettre de rêver à de joyeuses perspectives d'évolution dans votre carrière. Et, souffrez-même mon zeste d'insolence, je vous souhaite d'obtenir l'un de ces colifichets qui habillent si bien les honorables serviteurs de la République. Je ne suis qu'un sans-dents,plus béotien qu'éclairé, voilà pourquoi je pense à ce que je connais : la Légion d'honneur. Un beau ruban attaché à votre boutonnière, cela vous poserait un homme. Vous l'avez déjà ? Qu'à cela ne tienne, vos louables services vous vaudront bien une autre décoration : l'ordre du Mérite par exemple ?
Ah, monsieur le juge des libertés et de la détention, je vous envie, moi qui n'aurai jamais de distinction. Il est vrai que je n'ai pas tué, pas volé, pas même envoyé les autres au casse-pipe... Mon Dieu, mon Dieu, pardon pour ces mots grossiers, j'ai le sentiment d'avoir raté mon existence. Contrairement à vous. N'est-il pas ?
PS Il semblerait qu'il faille écrire "Madame la juge" : ah cet amour maternel, cette tendresse, cette naïveté, cette irresponsabilité...
ADM, le 27 juillet 2016