Voilà cinquante-sept ans. Mon plus beau souvenir avec le Stade rennais. Une immense pensée pour Lamia, Lavaud, Boutet, Brucato, Cardiet, Ascensio, Prigent et Pellegrini, ces héros qui nous ont quittés. Cédolin (alors blessé), Loncle, Dubaële et Rodighiero sont les derniers survivants de cette épopée.
ADM, le 26 mai 2022
Hier soir, en regardant France 5, papa tu as occupé mon esprit, comme il lui arrive peu souvent. D’abord, il y eut les derniers secrets de Céline ; puis, « Le silence de la mer », une édition dans la résistance.
On croyait tout savoir sur Céline, immense écrivain à la pensée si sulfureuse, pour rester pudique. Coup de tonnerre, cette année, plus de mille feuillets que l’on croyait volés et perdus réapparaissent deux ans après le décès de sa veuve à 107 ans. Une enquête passionnante où témoins et ayants droit s’expriment. Une occasion unique de redécouvrir, mieux d’approfondir, la vie de celui qui fut l’un des écrivains majeurs du siècle passé. Avec cet immense apport, la bombe littéraire de ce XXIème siècle, le regard des critiques ne sera plus le même.
Je connaissais « Le silence de la mer ». Alors que j’apprenais l’allemand, papa, tu me l’avais fait lire. Pour toi qui avais été en captivité, cet officier allemand représentait ta vision de l’Allemagne, le pire et le meilleur, mais en définitive la soumission.
Cette soumission, Pierre de Lescure et Jean Bruller-Vercors la refusèrent. J’ignorais - la honte - tout de la création des éditions de Minuit. Elles naquirent en pleine occupation au péril de leur vie et de celle de leurs amis, dont tant - gloire à elles - de femmes anonymes. L’inimaginable odyssée du manuscrit qui parvint jusqu’à de Gaulle m’a humecté les yeux, pour ne pas en dire plus. Je comprends maintenant pourquoi, papa, tu tins tant à me le faire lire.
Papa, toi qui m’as appris à devenir un homme libre d’esprit, toi avec qui j’avais parfois des discussions intellectuelles houleuses, je sais ce que nous ferions à midi, si tu étais encore là : nous discuterions encore et encore de Céline, de Vercors, du monde, de la liberté. Une force nous lie à jamais : le refus de la soumission.
PS L’attitude hautaine de Sartre envers Vercors ne m’a pas surpris. La lâcheté n’a pas de limites.
ADM, le 20 novembre 2021